LE DORAT, tome IV
Un volume de 150 pages, illustré en noir et en couleurs, avec index alphabétique des conjoints.
par Pascal DURANDARD, AGL, 2014.
Familles BOUTINON, de CHAINQUIOUX, DAVID, DUFRESNE, ERLEVIN, LIGROS, MATEL, MONSACRE, NESMOND, RAMPION, SANDEMOY.
Le tome IV des familles du Dorat pourrait assez justement être intitulé « le coin des Etrangers ». En tout cas, la plupart des familles qui y figurent sont ou prétendent être « exogènes » au microcosme dorachon. On pourrait aussi l’appeler « le coin des Insolites », car il présente bien des singularités.
Actuellement, Le Dorat est à l’écart des grandes voies routières. Il faut faire un détour pour l’aborder, et la ville donne l’impression de somnoler au milieu du bocage limousin. Pourtant, il semblerait qu’à l’époque de saint Israël sa position n’était pas si enclavée. La fondation d’un établissement monastique et d’un site castral traduirait une volonté politique du comte de la Marche de développer un noyau urbain qui ferait étape sur une voie commerciale fréquentée. On est pourtant toujours étonnés de découvrir la trace de flux migratoires au Dorat. Que des individus partis d’autres provinces ou d’autres pays aient eu non seulement le désir ou le besoin d’y vivre, mais encore d’y faire souche, c’est une réalité que la présente publication met en valeur.
Ainsi, combien de Dorachons du XIXe siècle savent que les Erlevin, devenus des notables respectés de leur cité, sont d’origine allemande, et que les influents Boutinon ont leur berceau en Périgord ? Par quel hasard le savoyard Jean Matel et le stéphanois Etienne Ligros ont-ils découvert Le Dorat ? Et d’où viennent le chapelier Jacques Dufresne et le menuisier Sylvain Monsacré ? Quant aux Nesmond, en quête de noblesse et rêvant d’une origine glorieuse, ils se proclament Anglais de souche, échoués au Dorat dans le temps de la débâcle britannique qui clôt la guerre de Cent Ans … Et pourtant, pour reprendre la chanson de Maurice Chevalier : « Et tout ça, ça fait / d’excellents … Dorachons ».
En ce qui concerne les cas d’espèce… les amateurs de curiosités seront servis. La boutique de Jean Matel est un extraordinaire « bazar », et les armes que se procurent les notables auprès des Ligros ont le prestige de la tradition stéphanoise. Les Boutinon se signalent pour être les premiers (et les seuls) maîtres de forge de l’histoire de la Basse-Marche. Ils ont été appelés par un aristocrate local, le seigneur de la Perrière, désireux de créer une forge près de son logis noble. Ces industrieux « industriels » de la métallurgie ont évidemment réalisé une belle fortune. Trois générations plus tard, un Boutinon prenait pied au Dorat et inaugurait la brillante ascension sociale de sa lignée. Enfin, si les pieux de Chainquioux sont bien sortis des environs du Dorat, ils compensent la médiocrité de leur état (ce ne sont que d’honorables artisans) par la charge de chevecier de la collégiale qu’ils ont possédée sous Louis XIV et Louis XV. Charge bien énigmatique et bien rare s’il en fut, dont la fonction est mal connue et le nom extrêmement curieux…
Les David et les Sandemoy présentent des traits moins originaux. Dans chacune de ces lignées de marchands s’est détachée une branche qui a su se hisser par le biais du droit à la bourgeoisie de robe, tandis que la branche restée attachée aux activités « mécaniques » n’a cessé de régresser socialement. Les Rampion ont été importants surtout au XVIe siècle et dans la première moitié du siècle suivant, appartenant d’abord à la bourgeoisie de robe qui gravite dans l’orbite des institutions judiciaires du Dorat. En moins d’un siècle, ils ont donné cinq chanoines au chapitre de la collégiale, et l’un d’entre eux a particulièrement défrayé la chronique locale… Pour les Nesmond, si on met de côté leurs prétentions « étrangères », ils sont l’une des plus anciennes et des plus importantes familles bourgeoises du Dorat. Une branche établie à Guéret y a figuré grandement dans le cercle du présidial.
Comme toute ville, Le Dorat a su attirer et maintenir, dans un incessant mouvement, des populations de diverses conditions, au gré de ses besoins et des leurs. L’étude des familles qui s’y sont établies illustre des mécanismes d’évolution sociale et d’enrichissement que favorise tout milieu urbain. Elle nous montre aussi que Le Dorat puise sa richesse et sa vitalité autant dans ses activités économiques que dans le cadre de ses institutions religieuses et judiciaires.